Don Calmet - Chapitre X - Autres exemples de revenant

Chapitre X

Autres exemples de revenant. Continuation du Glaneur

"Dans un certain canton de la Hongrie, nommé en latin Oppida Heidonum, au-delà du Tibisque, vulga Teisse, c'est-à-dire, entre cette rivière qui arrose le fortuné terroir de Tockay et la Transylvanie, le peuple connu sous le nom de Heiduque croit que certains morts, qu'ils nomment vampires, sucent tout le sang des vivants, en sorte que ceux-ci s'exténuent à vue d'oeil, au lieu que les cadavres, comme des sangsues, se remplissent de sang en telle abondance, qu'on le voit sortir par les conduits, et même par les pores. Cette opinion vient d'être confirmée par plusieurs faits, dont il semble qu'on ne peut douter, vu la qualité des témoins qui les ont certifiés. Nous en rapporterons ici quelques-uns des plus considérables.

Il y a environ cinq ans, qu'un certain heiduque habitant de Medreïga, nommé Arnold Paul, fut écrasé par la chute dun chariot de foin. Trente jours après sa mort, quatre personnes moururent subitement, et de la manière que meurent, suivant la tradition du pays, ceux qui sont molestés de vampires. On souvint alors que cet Arnold Paul avait souvent raconté qu'aux environs de Cassova, et sur les frontières de la Serbie turque, il avait été tourmenté par un vampire turc ; car il croit aussi que ceux qui ont été vampires passifs pendant leur vie, deviennent actifs après leur mort, c'est-à-dire, que ceux qui sont sucés, sucent aussi à leur tour ; mais quil avait trouvé moyen de se guérir en mangeant de la terre de sépulture du vampire, et en se frottant de son sang : précaution qui ne l'empêcha pas cependant de le devenir après sa mort, puisqu'il fut exhumé quarante jours après son enterrement, et qu'on trouva sur son cadavre toutes les marques dun archivampire. Son corps était vermeil : ses cheveux, ses ongles, sa barbe, s'étaient renouvelés, et ses veines étaient toutes remplies dun sang fluide, et coulant de toutes les parties de son corps sur le linceul dont il était environné. Le Hadnagi ou le Bailli du lieu, en présence de qui se fit lexhumation, et qui était un homme expert dans le vampirisme, fit enfoncer, selon la coutume, dans le coeur du défunt Arnold Paul, un pieu fort aigu, dont on lui traversa le corps de part en part, ce qui lui fit, dit-on, jeter un cri effroyable comme s'il était en vie. Cette expédition faite, on lui coupa la tête et l'on brûla le tout. Après quoi on fit la même expédition sur les cadavres de ces quatre autres personnes mortes de vampirisme, crainte qu'ils nen fissent mourir d'autres à leur tour.

Toutes ces expéditions n'ont cependant pu empêcher, que vers la fin de l'année dernière, cest-à-dire, au bout de cinq ans, ces funestes prodiges n'aient recommencé, et que plusieurs habitants du même village ne soient péris malheureusement. Dans lespace de trois mois, dix-sept personnes de différents sexes et de différents âges sont mortes de vampirisme : quelques-unes sans être malade, et d'autres après deux ou trois jours de langueur. On rapporte entre autre quune nommée Stanoska, fille du heiduque Jotuitzo, qui sétait couchée en parfaite santé, se réveilla au milieu de la nuit, toute tremblante, en faisant des cris affreux, et disant que le fils du heiduque Millo, mort depuis neuf semaines, avait manqué de l'étrangler pendant son sommeil. Dès le moment, elle ne fit plus que languir, et au bout de trois jours elle mourut, ce que cette fille avait du fils de Millo le fit dabord reconnaître pour un vampire, on l'exhuma, et on le trouva tel. Les principaux du lieu, les médecins, les chirurgiens, examinèrent comment le vampirisme avait pu renaître, après les précautions qu'on avait prises, quelques années auparavant.

On découvrit enfin, après avoir bien cherché, que le défunt Arnold Paul avait tué non seulement les quatre personnes dont nous avons parlé, mais aussi plusieurs bestiaux, sont les nouveaux vampires avaient mangé, et entre autres le fils de Millo. Sur ces indices, on prit la résolution de déterrer tous ceux qui étaient morts depuis un certain temps. Parmi une quarantaine on en trouva dix-sept avec tous les signes plus évidents de vampirisme, aussi leur-a-t-on transpercé le coeur et coupé la tête ; et ensuite on les a brûlés et jeté leurs cendres dans la rivière.

Toutes les informations et exécutions dont nous venons de parler, ont été faites juridiquement en bonnes formes et attestées par plusieurs officiers, qui dont en garnison dans le pays, par les chirurgiens majors des régiments et par les principaux habitants du lieu. Le procès-verbal en a été envoyé vers la fin du janvier dernier, au Conseil de guerre impérial à Vienne, qui avait établi une commission militaire, pour examiner la vérité de tous ces faits.

C'est ce qu'ont déclaré le Hadnagi Barriarar et les anciens Heiduques, et ce qui a été signé par Battuer, premier lieutenant du régiment d'Alexandre de Wirtemberg, Clickstenger, chirurgien major du régiment de Frustemburch, trois autres chirurgiens de la compagnie, Guoichitz, capitaine à Stallath."



24/05/2006
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