Don Calmet - Chapitre VII Vampires de Moravie

Chapitre VII

Venons à présent à l'examen du fait des revenants ou vampires de Moravie

"J'ai appris de feu M. de Vassimont, conseiller de la Chambre des Comptes de Bar, qu'ayant été envoyé en Moravie par feu S.A.R Léopold Duc de Lorraine pour les affaires de Monseigneur le Prince Charles son frère, évêque d'Olmutz et d'Osnabruch, fut informé par le bruit public, qu'il était assez ordinaire en ce pays-là de voir les hommes décédés quelques temps auparavant, se présenter dans les compagnies et se mettre à table avec les personnes de leur connaissance sans rien dire, mais faisant un signe de tête à quelqu'un des assistants, lequel mourait infailliblement quelques jours après. Ce fait lui fut confirmé par plusieurs personnes, et entre autres par un ancien curé qui disait avoir vu plus d'un exemple.

Les évêques et les prêtres du pays consultèrent Rome sur un fait si extraordinaire, mais on ne leur fit point de réponse, parce qu'on y regardait apparemment tout cela comme pures visions, ou des imaginations populaires. On s'avisa ensuite de déterrer les corps de ceux qui revenaient ainsi, de les brûler, ou de les consumer en quelques autres manières. Ainsi l'on s'est délivré de l'importunité de ces spectres, qui sont aujourd'hui beaucoup moins fréquents qu'auparavant dans ce pays. Cest ce que disait ce bon prêtre.

Ces apparitions ont donné occasion à un petit ouvrage intitulé : Magia Posthuma, composé par Charles Ferdinand de Schertz, imprimé à Olmutz en 1706, dédié au Prince Charles de Lorraine, éveque d'Olmutz et d'Osnabruch. L'auteur raconte qu'en un certain village une femme étant venue à mourir, munie de tous ses sacrements, fut enterrée dans le cimetière à la manière ordinaire. Quatre jours après son décès, les habitants du village ouïrent un grand bruit et un tumulte extraordinaire, et virent un spectre qui paraissait tantôt sous la forme d'un chien, tantôt sous celle d'un homme, non à une personne, mais à plusieurs, et leur causait de grandes douleurs, leur serrant la gorge, et leur comprimant l'estomac jusqu'à les suffoquer : il leur brisait presque tout le corps, et les réduisait à une faiblesse extrême, en sorte qu'on les voyait pâles, maigres, et exténués.

Le spectre attaquait même les animaux, et l'on a trouvé des vaches abattues et demi-mortes ; quelquefois il les attachait l'une à l'autre par la queue. On voyait les chevaux comme accablés de fatigue, tout en sueur, surtout sur le dos, échauffés, hors d'haleine, et écumants comme après une longue et pénible course. Ces calamités durèrent plusieurs mois.

L'auteur que j'ai nommé examine la chose en jurisconsulte, et raisonne beaucoup sur le fait et sur le droit. Il demande, si supposé que ces troubles, ces bruits, ces vaxations viennent de cette personne qui en est soupçonnée, on peut la brûler comme on fait des corps des autres revenants qui sont nuisibles aux vivants. Il rapporte plusieurs exemples de pareilles apparitions, et des maux qui s'en sont ensuivis. Comme d'un pâtre du village de Blow près de la ville de Kadam en Bohême, qui parut pendant quelque temps, et qui appelait certaines personnes, lesquelles ne manquaient pas de mourir dans la huitaine. Les paysans de Blow déterrèrent le corps de ce pâtre, et le fichèrent en terre avec un pieu, qu'ils lui passèrent à travers le corps.

Cet homme en cet état se moquait de ceux qui lui faisait souffrir ce traitement, et leur disait qu'ils avaient bonne grâce de lui donner ainsi un bâton pour se défendre contre les chiens. La même nuit il se releva et effraya par sa présence plusieurs personnes, et en suffoqua plus qu'il n'avait fait jusqu'alors. On le livra ensuite au bourreau, qui le mit sur une charrette pour le transport hors du village et l'y brûler. Ce cadavre hurlait comme un furieux, et remuait les pieds et les mains comme un vivant, et lorsqu'on le perça de nouveau avec des pieux, il jeta de très grands cris, et rendit du sang très vermeil et en grande quantité. Enfin on le brûla, et cette exécution mit fin aux apparitions, et aux infestations de ce spectre.

On en a usé de même dans les autres endroits, où l'on a vu de semblables revenants, et quand on les a tirés de terre ils ont paru vermeils, les membres souples et maniables, sans vers et sans pourriture, mais non sans une très grande puanteur. L'auteur cite divers autres écrivains, qui attestent ce qu'il dit de ces spectres, qui paraissent encore, dit-il, assez souvent dans les montagnes de Silésie et de Moravie. On les voit et de nuit et de jour, on aperçoit les choses qui leur ont appartenu se remuer et changer de place, sans qu'il y ait personne visible qui les touche. Le seul remède contre ces apparitions, est ce couper la tête, et de brûler le corps de ceux qui reviennent.

Toutefois on n'y procède pas sans forme de justice ; on cite et on entend les témoins ; on examine les raison, on considère les corps exhumés, pour voir si lon y trouve les marques ordinaires, qui font conjecturer que ce sont eux qui molestent les vivants, comme la mobilité, la souplesse dans les membres, la fluidité dans le sang, l'incorruption dans les chairs. Si ces marques se rencontrent, on les livre au bourreau qui les brûle. Il arrive quelquefois que les spectres paraissent encore pendant trois ou quatre jours après l'exécution. Quelquefois on diffère d'enterrer pendant six ou sept semaines les corps de certaines personnes suspectes. Lorsquelles ne pourrissent point, et que leurs membres demeurent souples et maniables, comme s'ils étaient vivants, alors on les brûle. On assure comme certain que les habits de ces personnes se meuvent, sans qu'aucune personne vivante les touche, et l'on a vu depuis peu à Olmutz, continue toujours notre auteur, un spectre qui jetait des pierres, et causait de grands troubles aux habitants."



24/05/2006
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